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COMMUNIQUÉ – La FMEQ pour un système de santé public fort et accessible malgré des inquiétudes importantes avec le PL83

4 décembre 2024

Pour diffusion immédiate

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Québec, le 4 décembre — Le ministre de la Santé a déposé hier son projet de loi visant à obliger les nouveaux médecins à pratiquer cinq ans dans le réseau public après leurs études (PL83). La Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ) entretient plusieurs inquiétudes envers le projet de loi, qui semble contrevenir aux libertés fondamentales des étudiants en médecine sans améliorer l’accès aux soins des Québécois.

Rappelons que depuis sa création il y a cinquante ans, la FMEQ s’est toujours positionnée en faveur d’un système de santé public fort, universel et accessible. Elle ressemble ainsi à ses membres, qui en écrasante majorité choisissent de pratiquer au public à la fin de leurs études. Les nouveaux médecins sont déjà soumis à des cadres stricts tels les Plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM), les Plans d’effectifs médicaux (PEM) et les Activités médicales particulières (AMP); de nouveau, ils se retrouvent ciblés sans discernement par une mesure coercitive, indépendamment du fait que la désaffiliation du réseau public demeure un comportement minoritaire.

Les modifications proposées dans le PL83 créeraient deux classes de médecins avec des droits différents. Les nouveaux médecins seraient contraints d’exercer au public alors qu’en parallèle, les médecins déjà en pratique pourraient exercer au privé ou hors province en toute impunité. Cela constitue une iniquité intergénérationnelle et pose plusieurs enjeux en matière de libertés individuelles. Il est notamment mentionné dans le projet de loi qu’avant même le début de leur formation, le gouvernement peut demander aux étudiants de signer un « engagement assorti d’une clause pénale à exercer la médecine au Québec après l’obtention de leur permis d’exercice ». Sans expérience de la profession médicale, les étudiants en médecine devraient ainsi s’engager une décennie à l’avance à pratiquer un métier dont ils ignorent presque tout, sans connaître leurs circonstances de vie futures et sans possibilité réelle d’amender leur décision. Par ailleurs, même si les étudiants en médecine actuels se sont inscrits dans le programme avant l’existence du projet de loi, ils pourraient se voir obligés de signer une entente en commençant leur résidence à laquelle ils n’ont pas consenti en entrant en médecine.

Le ministre justifie la nécessité de son projet de loi en relevant le coût important de la formation médicale. Nous devons souligner que les coûts mentionnés par le ministre incluent les salaires des médecins résidents, qui ne peuvent pas être considérés de bonne foi comme des frais de formation. Les résidents posent des diagnostics, prescrivent des traitements et procèdent à des interventions chirurgicales, et le réseau ne pourrait pas fonctionner sans les soins qu’ils prodiguent. Soulignons également que les études des médecins actuellement en pratique ont elles aussi été subventionnées par le gouvernement québécois. Pourquoi alors cibler seulement les nouveaux étudiants? Cela nous apparaît incohérent, surtout considérant que les amendes proposées (jusqu’à 200 000 $ par infraction) affecteraient de manière disproportionnée les étudiants nouvellement gradués, qui ont des ressources financières plus limitées que les médecins déjà en exercice.

Le ministre affirme dans un communiqué que son geste permettra « d’améliorer l’accès à notre réseau de santé pour que tous les Québécois soient pris en charge d’ici l’été 2026 ». Malheureusement, cette mesure n’aura pas l’effet escompté. Par définition, tous les médecins pratiquant présentement hors du système public ne sont plus des étudiants et pourront donc continuer à pratiquer hors du réseau sans conséquence. En ciblant seulement les étudiants, l’impact du projet de loi sera limité. Notons également que la signature d’un engagement s’effectuerait au début de la formation ou de la résidence en médecine; ainsi, il faudra attendre de nombreuses années avant que les étudiants touchés par l’entente commencent leur pratique médicale. Les centaines de milliers de Québécois sans médecin de famille ou en attente d’une chirurgie le savent; le réseau nécessite des changements maintenant, pas dans le futur lointain.

Mince de quatre pages, le projet de loi dans sa forme actuelle est certainement incomplet, et plusieurs de nos questions demeurent sans réponse. Pour respecter l’exigence de 5 ans dans le réseau public, le médecin doit respecter une entente pendant cette période telle que définie par la loi sur l’assurance maladie. Toutefois, plusieurs médecins qui servent activement le public le font en dehors du cadre de l’assurance maladie; nommons, de manière non exhaustive, les médecins en santé publique, les professeurs de médecine, les médecins occupant des postes administratifs et ironiquement, les médecins conseils du ministère lui-même. Aucun de ces groupes n’est nommé dans le projet de loi. D’autres circonstances particulières telles que le congé parental, le congé pour maladie ou la poursuite de projets de recherche, ne sont pas mentionnées dans le projet de loi, et nous ignorons aujourd’hui si elles seront couvertes ou non par un contrat.

La FMEQ est consciente des enjeux que posent l’expansion du privé et l’exode des médecins hors de la province. La seule approche durable face à ce problème demeure l’amélioration des conditions de travail dans le réseau de la santé. Les médecins veulent soigner leurs patients et ils quittent le réseau public lorsque cette tâche devient impossible. Ils veulent plus de flexibilité et de ressources, moins de bureaucratie et de centralisation. Pour faire simple, ils désirent le contraire de ce que propose aujourd’hui le ministre. Des solutions alternatives existent, et la FMEQ s’engage à discuter avec le gouvernement dans les prochaines semaines pour trouver comment le réseau public peut redevenir l’employeur de choix. Nous continuerons à être les premiers au front pour défendre notre système de santé public et nous espérons que le gouvernement sera à nos côtés dans ce combat.

À propos de la Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ)

La FMEQ (fmeq.ca) représente les quatre associations médicales du Québec et près de 5000 étudiants en médecine des quatre facultés de médecine et onze campus du Québec. Elle défend les intérêts des étudiants en médecine du Québec en matière pédagogique, politique et sociale. À titre de représentante de la relève médicale, elle s’exprime aussi sur divers enjeux du système de santé et promeut par ses interventions des soins plus justes et efficaces.

Nous recueillons présentement des commentaires et suggestions des personnes étudiantes en médecine au Québec par rapport au PL83, en vue d’une prochaine commission parlementaire en hiver. N’hésitez pas à nous partager votre opinion ici!